L’éléphant et la colombe...ou le refus du conformisme

L’éléphant et la colombe...ou le refus du conformisme

L’éléphant et la colombe...ou le refus du conformisme



Elle ressemblait à un roseau gracile, brindille qui ploie sous le vent des injures, des avanies de la maladie et de l’amour qui blesse : sans jamais rompre là où tant d’autres auraient rendu les armes depuis bien longtemps. Cette femme sublime, force fragile reconnue pour son talent de peintre, avait dû reconnaître ce magnétisme implacable qui, invariablement, la ramenait comme la lancinante marée entre les bras de cet Hercule, ce mastodonte tout aussi imposant qu’elle pouvait être légère. Personne alors n’avait vu couple plus mal assorti que l’alliance de ces deux êtres-là. « Le mariage de l’éléphant et de la colombe ». Tout est dit.
Et pourtant, était-ce vraiment une erreur que de voir ensemble ceux qui n’auraient pas dû l’être ? Au nom de qui, de quoi, de quel idéal, de quelle instance du bon goût ? Quel juge suprême pour oser trancher ainsi ? Frida Kahlo et Diego Riviera n’en auront fait qu’à leur tête.

De même, au nom de quel conformisme devrions-nous céder à la pression presqu’unanime d’un accord péremptoire « Avec du poisson, il faut du vin blanc » ? Hérétique, fou, inculte, celui ou celle qui aura l’audace de jeter son dévolu sur un pinot noir pour accompagner son pavé de saumon cuit à l’unilatérale ! Le couperet des bien-pensants tombe, tranche et coupe court à toute discussion, et tue la fantaisie dans l’oeuf : « Cela ne se fait pas. »

Parfois, la mine condescendante de celui qui s’y connaît commence à renfrogner ses traits...Et nous serions alors tentés, pour n’être pas exclus, rejetés, mis au banc des accusés, de nous raviser et d’opter, finalement, pour un Sancerre ou un Muscadet avec notre filet de lotte au beurre.

« Désir mimétique », voilà notre mal et qui nous aura fait nous ressaisir, trahissant notre premier élan vers un objet de désir plus acceptable et surtout, voulu par tant d’autres, la majorité. Spinoza le dénonce et rappelle qu’il ne saurait y avoir dans nos existences humaines que deux grandes émotions, à bien y regarder : la tristesse et la joie. Et s’il ne devait y avoir qu’un seul commandement, cela serait de faire croître la joie le plus possible, et diminuer la tristesse autant que faire se peut. Seulement, cela exige le courage de renoncer à la volonté des autres...L’avons nous ?

Et si, à la lumière de la philosophie et de l’amour des peintres, nous avions l’audace d’assumer notre choix premier du plaisir à créer un nouvel accord entre le mets et le vin ? Et si nous préférions la joie qu’il y a à innover, à contre-dire, à déjouer, au lieu de celle un peu plus fade et préfabriquée à suivre le protocole, les sages recommandations ?

Aussi, que le coeur nous en dise et écoutons-le, et assumons fièrement de vouloir explorer la nouveauté d’un vin incongru pour le plat qu’on lui accorde, gardant à l’esprit que « les utopies d’aujourd’hui sont les vérités de demain » écrit Frédéric Lenoir. Pour preuve, ce fondant au chocolat noir sublimé d’un vin rouge, accord qui faisait faire les yeux ronds il y a une dizaine d’années et qui, dorénavant, ne choque plus personne... 


J.Baune, pour les Vins des Châteaux