« Le vin, comme en amour... »

« Le vin, comme en amour... »

« Le vin, comme en amour... »


On pourrait dire qu’il ne se dissèque pas, il s’éprouve, se ressent, se palpe, se goûte. En effet, aimer, ce n’est pas dresser la liste presqu’exhaustive de tout ce qui nous enchante chez l’Autre pour tenter de justifier le « pourquoi » de nos sentiments. Et, lorsque nous le faisons, cela est sans doute davantage pour rassurer l’être aimé sur ce que nous sommes sûrs d’éprouver pour lui, pour elle, inscrit au plus profond de notre chair : nous l’aimons, et nous le lui faisons savoir.

« Et mes épaules, tu les aimes ? Et mon visage, aussi ? Ma bouche, mes yeux, mon nez, mes oreilles ? » demande Brigitte Bardot, étendue lascivement, délicieusement nue sous les yeux de son amant, qui, de la voix chaude de Michel Piccoli, répond « oui », oui à tout, à chaque détail qu’elle égrène avec une pointe d’effronterie.

Serions-nous en train de nous égarer ? Quel lien peut-il exister entre la chute de reins la plus fabuleuse et fantasmée de la Nouvelle Vague et la connaissance du vin ? Aucune misogynie, aucune réduction...car ni Vénus incarnée ni la vigne ne sauraient être tenues pour de simples objets du désir - qui tôt ou tard se volatilise ! Raison évidente à cela : ils sont en vie, et comme toute vie, ils sont imprévisibles, indépendants, indomptables et suscitent l’émotion, l’éclosion des sentiments, créent la surprise en étant toujours là où on ne les attend pas...Ils nous séduisent.


Alors, aimer le vin, cela pourrait être comme se poser la question suivante « Comment aimer une femme comme il se doit ? » Lucchini, acteur qu’on adore ou qu’on exècre, se plaît à dire qu’« une femme jouit par l’oreille, par les mots. »... Aimer une femme, ce n’est pas tant tout savoir d’elle - cela est résolument impossible - c’est sans cesse chercher à la comprendre ; percer, par le pouvoir du verbe, ses mystères qu’elle voudra bien nous laisser deviner.

Einstein, quant à lui, pensait que « L’imagination est plus importante que le savoir ». En effet, à quoi bon savoir tout ce qu’il y a à connaître sur le vin si nous sommes incapables de ressentir quoi que ce soit, si le plaisir est absent ? Au même titre, à quoi bon connaître toutes les gammes du corps et du coeur de l’être aimé si nous ne savons en jouer qu’en simple technicien, c’est-à-dire sans âme, sans vibrer, sans jamais se laisser étourdir ?


Le vin, comme en amour, demande à être apprivoisé. Il intimide par tous les secrets qu’il recèle en ses drapés parfois chatoyants, tantôt plus discrets. D’autres fois, sans que nous soyons capables de l’expliquer, sans que nous ayons fait quoi que ce soit ou très peu pour sembler le mériter, il s’offre à nous sans réserve, avec générosité, éclat. Il pourra nous surprendre, ordinaire en apparence seulement, et se révèlera dans toute sa splendeur une fois que nous y aurons porté les lèvres...nous donnant alors une magnifique leçon d’humilité, à l’image de cet homme ou de cette femme que nous aurions pu étiqueter un peu trop rapidement de « banals », avant qu’il ou elle ne nous prouvent combien nous eussions eu tort.

Ainsi, pour apprécier le vin, les mots et le savoir aideront à partager cet amour que nous lui portons. Ils permettront de mieux le saisir, le comprendre pour décupler notre plaisir à le savourer...Le jargon sera là pour nous guider jusqu’à son apprivoisement, dans cette rencontre singulière et jamais identique - chacun décelant ses propres notes et ressuscitant ses souvenirs les plus personnels- mais ils ne sauraient servir à enfermer, à catégoriser ce nectar, qu’il soit de haute garde ou n’en soit pas.


Le vin, comme en amour, exige l’humilité de reconnaître que nous ne pourrons jamais tout savoir à son sujet. Point de prétention à avoir, sinon du respect ; pour apprécier le vin, il suffit de savoir aimer tout court. 


J. Baune, pour les Vins des Châteaux